DJ save my night : Vincent Morand alias DJ 20cent
La musique constitue une grande partie de la danse, le DJ est donc très important lors d’une soirée west coast swing. Souvent caché derrière sa platine et parfois réduit dans l’imaginatif au rôle d’un interrupteur play/pause, on a décidé d’en savoir plus et de vous faire découvrir ce rôle au combien important dans l’ambiance d’une soirée.
WB : L’introduction étant plutôt en raccord avec le reste de l’article : Vincent tu es DJ lors des soirées west coast swing, est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur toi ?
Vincent : Yes, je m’appelle Vincent et je vis à Toulouse. J’ai commencé la danse par du rock en école d’ingénieur et j’ai découvert le west coast lors d’une démo en soirée rock. Ensuite c’est le parcours classique : YouTube, des vidéos de Jordan et Tat, un cours où tu découvres le stretch et tu deviens accroc ! Mon nom de scène est “DJ 20cent”, à prononcer à l’américaine comme pour le rappeur 50 cent
WB : Comment es-tu devenu DJ ?
Vincent : Avant d’être un DJ je suis un danseur ! Ça fait plus de dix ans maintenant que j’ai commencé le WCS, au bout de 5 ans j’avais déjà un grand nombre de soirées et de stages à mon actif, j’aimais bien essayer de récupérer les meilleures musiques sur lesquelles je dansais et j’aimais bien prendre le contrôle de l’enceinte bluetooth lors des apéros dans les chambres pour les passer. Nicolas Bourgeais, qui était mon prof à Toulouse, l’a bien remarqué et m’a proposé d’être DJ dans les soirées de son école de danse. Il m’a fait bénéficier de son expérience (il a été DJ au Budafest, ce n’est pas rien !) et m’a permis de me lancer donc un grand merci à lui !
WB : Est-ce qu’il y a une différence entre un DJ en soirée west coast swing et un DJ dans une boîte de nuit ?
Vincent : Ahaha, ça a été un gros sujet de discussion dans notre forum de discussion Facebook dont je reparlerais plus tard. DJ A3P (Arnaud PergaPlayPause) aime bien nous provoquer en disant qu’on est des playlisteurs et pas des DJ ! D’un côté il a raison dans le sens où dans les soirées WCS on ne demande pas au DJ de mixer les morceaux comme en boîte de nuit. Pour moi ce n’est pas forcément souhaitable d’ailleurs, les danseurs aiment bien reconnaître les sons sur lesquels ils dansent, et les instants de “respiration” entre deux morceaux sont utiles pour remercier son/sa partenaire avant d’en inviter un/une autre. Peut-être que cela évoluera le jour où un DJ possédera ces compétences, ce qui n’est pas mon cas, et j’ai hâte de voir cela ! D’un autre côté le terme de playlisteur n’est pas non plus adapté pour les DJ qui passent beaucoup de temps à analyser et ressentir la salle pour décider des prochains morceaux : sur ces aspects là je pense qu’il y a peu de différences entre un DJ WCS et un DJ en boîte !
WB : Qu’est-ce que tu aimes dans le Djing ?
Vincent : J’ai deux moments favoris, le premier c’est quand je trouve un nouveau morceau que j’adore et que j’imagine comment je vais le caler à la prochaine soirée ! Le second c’est quand je vois que la soirée est dans un creux, avec beaucoup de danseurs au bar ou en train de discuter, et que je trouve le morceau qui les fait revenir sur la piste : là je me dis que j’ai bien fait mon boulot ! Enfin, les remerciements des danseurs font aussi chaud au cœur, c’est très important car je pense que tous les DJ ont envie de leur faire plaisir.
WB : Pour mettre un peu de musique dans cette interview, est-ce que tu peux nous partager ta dernière trouvaille pour danser le west coast ?
Vincent : En ce moment j’aime vraiment beaucoup “Butterflies” de MAX et Ali Gatie. Et comme c’est une bonne musique il y a des remix qui comment à sortir (allez voir le Jean Tonique Remix) et c’est toujours très utile pour pouvoir caser le morceau dans une version différente selon l’heure de la soirée !
WB : Si tu devais retenir que 2 qualités pour être un bon DJ en soirée, ça serait quoi ?
Vincent : Pour moi, un bon DJ est capable de sortir la bonne musique au bon moment. Donc ça demande d’abord d’avoir une bonne connaissance de sa bibliothèque musicale, les avoir classées par exemple par genre musical, BPM (Beat per minute, pour nous c’est le nombre de temps en une minute) ou niveau d’énergie : il faut donc être un peu organisé car assez vite on se retrouve avec des centaines ou des milliers de musiques et on peut s’y perdre. Ensuite, un bon DJ sera capable de “sentir la salle” pour deviner ce sur quoi les gens ont envie de danser, même si eux ne le savent pas encore ! Il y a des techniques qui s’apprennent pour cela et il y a une part d’innée, un peu comme en WCS !
WB : Avant de faire ton set*, es-tu plutôt du genre à tout préparer en amont ou bien à réagir sur le moment en fonction de l’ambiance ?
* Un set ou mix consiste pour un DJ à enchaîner la diffusion de plusieurs musiques enregistrées de manière fluide et cohérente d'un point de vue musical, src: Wikipedia
Vincent : Les deux ! Pour une heure de set j’ai entre deux et trois heures de préparation pour construire ma playlist. Je tiens compte de l’heure de mon set, de ce que je connais de la soirée ou de l’évent en termes de niveau des danseurs, leur âge moyen, leurs préférences… et puis dès que j’arrive dans la salle je change mes plans.
Je discute avec le DJ qui m’a précédé, j’essaie de lire la salle et de faire confiance à mon instinct de danseur : si c’est moi qui dansais, quel son me ferait plaisir ? Au final je change environ la moitié de ma playlist originelle, mais le temps de préparation n’est absolument pas perdu : il me permet de bien connaître mes musiques, d’identifier des enchaînements qui ont du sens… et puis c’est que du plaisir !
WB : Est-ce que tu abordes différemment ton set entre une soirée cool dans ta ville d’une soirée en évent ?
Vincent : Sur la partie préparation de soirée il n’y a pas tant de différences que cela. Bien sûr quand c’est dans ma ville je connais très bien la communauté donc je vais me poser moins de questions, mais c’est surtout pendant la soirée que les choses changent. À Toulouse je vais pouvoir valider les trois ou quatre prochaines musiques et en profiter pour danser un peu avant de repasser derrière les platines.
C’est un luxe que j’ai beaucoup moins en évent, pas parce que je n’en ai pas envie (bien au contraire !) mais parce que je vais plus devoir m’adapter à la situation : est ce que les danseurs sont déjà fatigués car ils ont enchaîné les compets, ou au contraire pleins d’énergie après un pro show ? Est-ce que dans cette ville on aime bien les musiques françaises ou pas ? Les soirées sont plus longues aussi donc il faut être capable de gérer les danseurs qui vont bientôt partir se coucher de ceux qui sortent de l’apéro. Tout cela fait que le niveau de complexité augmente en évent, mais la découverte de ces nouveaux environnements fait partie du plaisir de DJeter !
WB : Chacun a une préférence sur un genre musical en particulier, est-ce que tu arrives à en faire abstraction durant tes sets ou ça constitue ta signature ?
Vincent : Chaque DJ a sa signature et je pense que c’est très bien comme ça, cela offre de la diversité aux danseurs. J’ai découvert le rôle de “main DJ” (DJ principal, en charge de la coordination des différents DJs) au West duck swing et on tient compte des sensibilités de chacun lors de la composition de l’équipe. On avait fait venir DJ CDLC (Mathieu Compagnon) qui a un bon répertoire de sons francophones bien rythmés, DJ Tomtom (Thomas Escaravage) avec des touches plus swing et groove, ainsi que DJ Em (Emeline Rochefeuille) et ses sons plus expérimentaux. C’était très complémentaire avec nos DJ toulousaing (DJ Breizh et DJ Vince). Il faut cependant tenir compte de la durée des sets : plus le set est long, plus c’est important d'essayer de varier un peu pour permettre à chacun de prendre du plaisir.
WB : Bon on est entre nous (et nos lecteurs) mais tu peux peut-être nous dire ce qu’on fait du blues dans les soirées, on en met ou on en met pas ?
Vincent : On en met un peu :). Une des richesses de notre danse c’est la variété incroyable de genres musicaux sur lesquels on peut danser, donc autant en profiter ! Pour ce qui me concerne je n’ai pas un très gros répertoire blues, il y a des DJs qui sont bien meilleurs que moi pour ça, mais j’essaie tout de même d’en caler pour voir comment la salle réagit et parfois on a des surprises ! On peut aussi tricher en mettant des cover acoustique ou jazz de musiques de blues archi-connues.
WB : Ça fait quoi d’être DJ pour la première fois dans un évent ?
Vincent : C’est beaucoup de stress ! Ma première expérience hors de Toulouse c’était au Wine Wild West à Bordeaux, et à la fin de l'événement j’ai dit à l’organisatrice que je ne voulais pas continuer le DJing en event! Heureusement, d’autres organisateurs ont su me convaincre et avec l'expérience et en acceptant que tout le monde fait des erreurs je le vis mieux désormais. Vivre un évent en tant que DJ apporte des contraintes : il y a le temps de préparation des sets, le fait de devoir être plus raisonnable lors des apéros et de moins pouvoir danser lors des soirées, il faut en avoir conscience !
WB : Le quotidien d’un DJ est souvent de s’adapter en soirée, est-ce que tu as une expérience personnelle qui prêterait à rire sur ce sujet ?
Vincent : Pour mon premier set dans un évent officiel “à points” WSDC, j’avais préparé une playlist bien punchy car je passais en plein cœur de la soirée. Sauf que la climatisation de la salle est tombée en panne, j’ai dû tout changer pour ralentir le rythme et malgré cela c’était dur de lutter contre l’attrait du bar. A mon troisième morceau la sono a buggé car le micro du EMCEE était resté allumé et n’avait plus de pile, ma musique a été coupée en plein milieu ce qui est un peu la hantise du DJ ! Bref, c’était un bon bizutage mais j’y repense avec le sourire !
WB : Beaucoup de gens reprennent doucement le west coast swing après plusieurs mois de pause, est-ce que ça va influencer tes choix musicaux pour les prochaines soirées ? Et si oui, qu’est-ce que tu feras de différent ?
Vincent : J’en discutais il y a peu avec DJ Lulu (Lucien Blaise) et oui, cela impacte fortement les prochaines soirées ! Je m’attends à ce que le rythme global des morceaux diminue un peu, il va falloir donner un peu de temps aux danseurs pour se refaire le cardio et danser des heures d'affilée. Un autre point intéressant c’est qu’il va falloir alterner les morceaux bien connus par les danseurs, mais qui sont sortis depuis plus d’un an et demi, et les “nouveaux” morceaux qu’on a accumulés depuis des mois mais qui sont encore peu connus sur la scène WCS. C’est une situation assez inédite et je pense qu’on va avoir beaucoup de bonnes découvertes dans les prochains mois !
WB : C’est le moment un peu perso où je profite d’avoir un DJ qualifié pour te demander ton avis. Certaines chansons ont des paroles un peu plus vulgaires, on dit que les chansons sont “explicit”. On m’a déjà dit qu’il valait mieux éviter de passer ces versions pour les chansons anglaises dans les pays anglophones, mais qu’en est-il des chansons françaises aux textes parfois un poil sulfureux. Est-ce que pour toi c’est impossible de passer ce genre de titres ou as-tu des astuces pour les diffuser ?
Pour vous donner un peu plus de contexte chers lecteurs et lectrices, je vous invite à écouter "Histoire de fesses" de Mylène Farmer.
Vincent : Je ne m’étais jamais posé la question jusqu’au jour où j’ai passé “Doucement” de Makassy lors d’une soirée. J’adore les sonorités de cette musique mais on m’a fait remarquer que les paroles sont en effet un peu ‘explicites’. En humour on dit qu’on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui, je pense qu’ici c’est un peu pareil. Je recommanderai à un DJ d’avoir dans sa bibliothèque musicale tous les morceaux qui lui plaisent, peu importe les paroles. Ensuite, il faudra savoir sortir le morceau au bon moment en fonction des personnes dans la salle et de l’ambiance : un début de soirée, un pro show, un late night dancing… tout cela est très différent donc les opportunités peuvent exister !
WB : Un dernier mot à nous dire ?
Vincent : Avec DJ CDLC, on a créé un groupe Facebook qui s’appelle “Forum discussion DJ West Coast Swing France”, on n'a pas choisi le meilleur timing car c’était au début de la pandémie, mais l’idée reste simple : le but est de permettre aux différents DJ Français d’apprendre à se connaître, à pouvoir échanger sur différents aspects du DJing, mais aussi aux organisateurs d’événements ou de soirées de pouvoir trouver un DJ de disponible. On est déjà 70 membres ce qui est un bon début ! Allez y jeter un œil même si vous n’êtes pas DJ, le groupe est ouvert à tous et peut être que cela créera de nouvelles vocations.
WB : Merci beaucoup Vincent d'avoir répondu à nos questions, on a hâte de danser de nouveau sur tes playlists !
Vincent : Merci à vous, c’est sympa de promouvoir cet aspect-là du west coast, longue vie aux westies babies et à bientôt sur les pistes !