Fernanda Dubiel : "Aujourd’hui, je me consacre à 100 % à la danse, ce que j’ai toujours voulu faire depuis le début."

Adrien Guesnel

11 min de lecture

Fernanda Dubiel : "Aujourd’hui, je me consacre à 100 % à la danse, ce que j’ai toujours voulu faire depuis le début."
Fernanda Dubiel, passionnée de danse dont la passion et le talent transcendent les frontières.

Fernanda Dubiel, née à Curitiba, au Brésil, est passionnée par la danse depuis son enfance. À l'âge de 8 ans, elle découvre le West Coast Swing (WCS) lors d'un atelier au Brésil avec Jordan Frisbee et Tatiana Mollmann. Ses voyages aux États-Unis lui permettent de remporter ses premières compétitions et de faire ses premiers pas en tant que professeure de WCS en Amérique du Sud. Elle poursuit son parcours avec un échange universitaire à Lyon, en France, où elle découvre la communauté WCS lyonnaise. Récemment finaliste à l'US Open dans la division Classic, Fernanda n'a encore que 25 ans et continue de briller sur la scène internationale.

Pour en savoir plus sur son parcours inspirant et ses projets futurs, plongeons dans notre interview exclusive avec Fernanda Dubiel, où elle partage ses expériences, ses défis et ses aspirations dans le monde de la danse.


WB : Tu as découvert le WCS à 8 ans dans un atelier au Brésil avec Jordan et Tatiana. Dis-nous en plus sur ce moment qui a dû changer beaucoup de choses pour toi alors que tu étais très jeune ?

En réalité, à ce moment-là, je n’aimais pas le West Coast Swing. J’avais du mal à danser, je n’étais qu’une enfant qui ne connaissait que le tango, le zouk et la salsa. Je ne comprenais pas l’anglais et je n’avais même pas de chaussures adaptées. Pourtant, Jordan et Tatiana m’ont très bien accueillie : Jordan a dansé le zouk avec moi, et Tat' m’a également invitée à danser, même si je ne connaissais même pas le pas de base.

Je suis tombée sous leur charme, et ce n’est qu’après deux ans que j’ai commencé à aimer le WCS… Mais cela n’a été possible que grâce à l’amour et au respect qu’ils m’ont toujours témoigné.

Fernanda ne danse pas que le West Coast Swing.

WB : A la suite de cette rencontre, il se passe 5 ans avant tes voyages aux États-Unis pour participer aux plus grands évènements WCS. Comment as-tu évolué dans ta danse pendant tout ce temps ?

L’évolution a été très lente, car Jordan et Tatiana ne venaient au Brésil que deux à trois fois par an. Comme le pays est immense, nous ne vivions pas dans la même ville, et il me fallait faire deux heures d’avion pour pouvoir les voir. C’était difficile, mais rien n’est impossible quand on veut vraiment quelque chose.

WB : A 14 ans tu te rends à San Diego, au SwingDiego, et tu finis 3eme en JnJ Novice. Comment tu vis un tel évent et cette victoire à ce jeune âge ?

Je ne réalisais pas vraiment ce qui se passait ce week-end-là. Nous étions environ 12 Brésiliens, donc il y avait toujours quelqu’un pour m’aider. Je me contentais de dire : « Maintenant, on doit danser à nouveau ? » Je n’avais aucune idée que la longue file d’attente que nous formions était pour danser devant un public. J’allais simplement… danser, sans trop me poser de questions.

Aujourd’hui, j’aimerais retrouver un peu de cette insouciance… mais après tant de compétitions, on finit par mieux comprendre le jeu.

All star JnJ au SNOW à Stockholm.

WB : Nous n’avions pas encore découvert le West Coast Swing que tu as également fait un Pro-am avec Jordan Frisbee pendant ce même évent. Comment ce Pro-am s’est déroulé pour toi ?

Au Brésil, quand tu es une fille et que tu as 15 ans, tes parents organisent généralement une grande fête ou t'offrent un cadeau très spécial. J'avais décidé dès mes 13 ans que je voulais aller aux États-Unis, mais à l'époque, ce n'était pas facile, et aujourd'hui, c'est encore plus cher de voyager en raison de l'appréciation du dollar. J'ai dit à mes parents que je voulais partir aux États-Unis à la place de ma fête d'anniversaire.

J'ai alors contacté Jordan et Tatiana, et ils m'ont recommandé Swing Diego, qui était le plus grand événement WCS il y a 10 ans. Jordan m’a dit que si je venais, il danserait le Pro-Am avec moi. À vrai dire, je ne savais même pas ce qu'était un "Pro-Am", j'étais une junior, je voulais juste danser avec lui. Ainsi, chaque année, il a concouru avec moi jusqu’à ce que nous gagnions le Pro-Am en catégorie avancée.

WB : A la suite de tout ça, les portes se sont ouvertes pour toi afin d’enseigner le West Coast Swing en Amérique du Sud. Comment tu as géré les déplacements, ta scolarité et ta vie d’adolescente pendant ces années ?

Je me souviens que mes parents ont appelé mon école pour savoir combien de jours je pouvais manquer. L'école était très flexible, car j'étais toujours parmi les meilleures de ma classe : j'étudiais beaucoup et j'avais d'excellentes notes.

Comme je n'ai jamais eu de problème à l'école, mes parents ont commencé à me laisser voyager seule. J'ai toujours eu des amis danseurs qui prenaient soin de moi, venaient me chercher à l'aéroport... Grâce à toute cette aide, j'ai pu commencer à enseigner et à aider la communauté West Coast Swing à se développer au Brésil et en Amérique latine dès mon plus jeune âge.

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Boogie by The Bay 2023 - All Stars JnJ Finals - Kevin Kane & Fernanda Dubiel.

WB: A 16 ans, tu fais un échange universitaire à Lyon en France. Tu rencontres la communauté WCS lyonnaise et aussi les professeurs que l’on connait tous comme Olivier Massart. Comment cette période t’a aidée dans ta progression ?

Vivre à l’étranger, et plus précisément à Lyon, a toujours été mon rêve. La communauté West Coast Swing y était (et est toujours) la plus grande d’Europe. J'ai eu la chance de pouvoir m'adapter très rapidement, d'apprendre la langue et aussi d'avoir des parents d'accueil français qui ont compris ma passion pour la danse.

Olivier Massart, Maxence Martin et Arnaud Perga ont toujours pris soin de moi lors des entraînements et des événements internationaux. Être présente dans le milieu de la danse française m'a permis de booster mes compétences. Vivre à proximité de grands danseurs a aussi été un immense avantage : je n’ai jamais eu l’impression de manquer de quoi que ce soit pendant mon séjour à Lyon.

Aujourd’hui, je me sens honorée d’avoir des contrats de travail en Europe avec Oliver Massart et de pouvoir concourir chaque année dans les événements en France

WB: Tu as également la nationalité polonaise grâce à ton arrière grand père et tu as passé 2 ans à Cracovie en travaillant notamment pour SwayD (la marque de chaussures que l’on connait bien). Est ce que c’est là que tu as décidé de consacrer ta vie pro au West Coast Swing ?

Mon objectif a toujours été de danser et de représenter le Brésil. SwayD m'a donné l'opportunité de vivre en Europe, et même si je n'ai plus aucun lien avec la marque aujourd'hui, je serai toujours reconnaissante envers Geoffrey Pann, son propriétaire.

C'est grâce à lui que j'ai pu intégrer le circuit international, et nous nous sommes toujours soutenus mutuellement. Malheureusement, la nouvelle direction de SwayD a décidé de mettre fin à mon contrat. Aujourd’hui, je me consacre à 100 % à la danse, ce que j’ai toujours voulu faire depuis le début.

Fernanda & Attila Kobori en finale JnJ All-stars au German Open WCS.

WB: On a pu voir que tu as parcouru énormément de pays et de continents pour danser le West Coast Swing, quels sont les grandes différences entre les différents continents dans la façon de danser le West Coast Swing ?

Chaque continent a une identité propre dans sa manière de danser le West Coast Swing. Lorsqu'une personne est pionnière dans le développement d'une communauté, elle influence forcément le style de danse de tout un pays ou un continent.

Par exemple, en Europe, Maxence Martin, Virginie Grondin, Olivier et Virginie Massart, Jakub et Emeline ont eu une immense influence. En Asie, c’est Zee qui a beaucoup contribué au développement du WCS.

La danse est en constante évolution. C’est à chaque danseur d'apporter quelque chose à ses élèves et de permettre à l’information de circuler dans le monde entier. Jordan et Tatiana Mollmann ont été les premiers professionnels à voyager à l'international pour faire découvrir le West Coast Swing, et grâce à eux, des milliers de personnes ont créé leurs propres communautés.

WB: Tu as découvert le West Coast Swing très jeune et nous ne trahirons pas un secret en disant que tu es petite. On a pu voir de grande différences avec certains de tes leaders, comment tu gères cette différence de taille ? Est ce que c’est un atout ou désavantage ?

Aujourd’hui, je ne considère ni un avantage ni un inconvénient, mais plutôt un défi. C'est au leader et au suiveur de s’adapter. L’important, c’est d’accepter son corps, sa taille, de comprendre ses limites. Une fois qu'on accepte tout cela, on peut développer sa propre identité et aller loin ! J'adore les défis !

Une dixième place à l'US Open 2024 à seulement 24 ans.

WB: Lors de la précédente édition de l’US Open tu as pu performer une routine en division classic, et tu as même été finaliste entourée des plus grands performeurs au monde. Qu’est ce que ça t’a fait ?

J'ai remporté la 2ᵉ place au US Open en 2023 dans la catégorie Cabaret avec Thiago Kamacho. À l'époque, mon partenaire m'a dit qu'il avait attrapé le Covid et qu'il ne pourrait pas voyager pour danser la chorégraphie que nous avions préparée pendant des mois. Quand j'ai reçu l'appel de mon partenaire de danse, Thiago Kamacho était à mes côtés et il m'a dit que je ne pouvais pas aller au US Open sans une chorégraphie. C'est ainsi que nous avons décidé de monter un show en 7 jours et de nous produire sur scène. Je ne m'attendais pas à remporter la 2ᵉ place, ce fut une réussite incroyable.

L’US Open 2024 a été très intense... La semaine de la compétition, nous n’avions ni costume ni fin de chorégraphie. J’avais l’impression que nous manquions de répétitions. Heureusement, Jordan et Tatiana nous ont énormément aidés.

Le jour J, notre seul objectif était de réaliser une belle performance. Nous ne nous attendions pas du tout à être finalistes, surtout que c'était la première fois que nous dansions ensemble ! Ce fut une immense surprise et une énorme satisfaction de placer top 10 à l’US Open Championships pour la première fois en Classic.

WB: Comment évalues-tu l'impact de tes récentes victoires en compétition sur ta carrière de danseuse, et comment ces succès influencent-ils ton approche de l'enseignement et de la promotion du West Coast Swing à travers le monde ?

Pour moi, le plus important au cours de ces deux années où je me suis consacrée à 100 % à la danse a été mes résultats en compétition. J’ai remporté les compétitions les plus prestigieuses du circuit international, comme Boogie by the Bay, Capital Swing, Atlanta Swing Classic, Desert City Swing et DC Swing Experience. Ces événements existent depuis plus de 20 ans sur le circuit, et c’est un honneur pour moi d’avoir remporté des trophées de 1ʳᵉ place.

Je continue à m’entraîner chaque jour et à perfectionner ma danse, mais ces victoires ont été essentielles pour ma carrière de danseuse. Je voyage dans 30 pays par an pour enseigner, concourir, et j’ai déjà jugé plus de 30 compétitions au cours des deux dernières années et demie.

Aujourd’hui, je sens que je peux influencer et contribuer au développement du West Coast Swing à travers le monde, et je crois que mon histoire peut inspirer d’autres personnes à se lancer dans la danse. Le WCS a sauvé et transformé ma vie, et je suis reconnaissante chaque jour d’avoir participé à cet atelier au Brésil en 2010.

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DCSX 2023 All Star Jack & Jill - Allan Thivoz & Fernanda Dubiel

WB : Quelles sont les pros qui t’ont inspirée et qui t’inspirent aujourd’hui ? Et ça fait quoi de les rencontrer ?

J'ai toujours admiré Benji, Thibault, Nicole, Jordan et Tat. J’ai eu la chance de les rencontrer en personne il y a plus de 10 ans. Leur humilité et leur ouverture d’esprit, le fait de pouvoir échanger avec eux, suivre leurs cours et apprendre d’eux ont été une source d’inspiration inestimable. Cela m’a poussée à évoluer encore plus. Je pense que si ces danseurs n’avaient pas eu cette attitude professionnelle et bienveillante, j’aurais abandonné il y a longtemps. 

Fernanda en plein judging au D-Town Swing (crédit photo: Tumbao Pix)

WB: Tu performes en tant que danseuse mais tu es également juge lors des compétitions. Est ce que tu peux nous dire ce que tu recherches chez les compétiteurs /compétitrices en fonction de leur niveau ?

En catégorie Novice, je recherche des danseurs qui respectent le rythme et ont une bonne technique. Au niveau Intermédiaire, je prends en compte le timing, la technique, le partenariat, et un soupçon de musicalité (surtout si deux compétiteurs ont une note similaire). En Avancé, il s’agit d’un mélange de timing, technique, musicalité et d’intelligence dans la prise de décisions sur la piste. En All-Star, tout cela est important, mais il faut aussi commencer à développer son propre style et affirmer sa confiance à chaque étape.

WB : Avec plus de 150 points en All-Star, tu peux concourir dans la division Champion, la plus haute division. Comment tu abordes cette nouvelle catégorie ?

Je comprends que le système de points est nécessaire et très important, mais à mon niveau actuel, cela n’a plus autant de sens pour moi. Je veux participer en Champions lorsque je me sentirai vraiment à l’aise de danser avec eux. J’ai des coachs qui me guident et m’aident à progresser dans la bonne direction pour atteindre mes objectifs. Honnêtement, aujourd’hui, je me sens encore appartenir à la catégorie All-Star. J’y suis à l’aise, mais je m’entraîne beaucoup pour continuer à évoluer. Je ne suis pas pressée et j’utilise intelligemment le temps dont je dispose afin que, lorsque le moment viendra de concourir en Champions, je sois prête et confiante. Je sais que j’y arriverai, ce n’est qu’une question de quand, pas de si. Mais je ne veux pas précipiter le processus simplement parce que j’ai accumulé un certain nombre de points.

Fernanda et Philippe Amar au Rose City Swing.

WB : On l’a dit tu n’as que 25 ans et déjà beaucoup de choses cochées faites dans le monde du West Coast Swing. Quels sont tes prochains projets ?

J’aimerais m’installer dans un nouveau pays et me consacrer pleinement à l’enseignement du West Coast Swing. Ces dernières années, j’ai beaucoup voyagé à travers le monde, découvert différentes cultures… Il est temps pour moi de me poser et de me lancer pleinement en tant que professionnelle du WCS. Je veux construire mon parcours en influençant positivement les gens et en représentant mon pays, le Brésil.

WB: Merci pour cette interview ! Et bonne chance dans tes futurs projets !

Mercii!

Écrit avec passion par ...

Adrien Guesnel
Adrien Guesnel

Strasbourg

J'ai découvert la danse avec la Salsa puis j'ai essayé plusieurs danses : Bachata, Kizomba... Mais c'est définitivement le WCS que je préfère ! Mon but est de vous faire découvrir et aimer cette danse

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